Conférence plénière jeudi 7 juillet 2016 8 h 30

Odile Stéphan est professeur de physique à l'Université Paris-Sud et membre honoraire de l'Institut Universitaire de France. Elle est actuellement responsable du groupe STEM au Laboratoire de Physique des Solides d'Orsay. Ses intérêts de recherche vont des mécanismes de croissances aux propriétés optiques et électroniques de diverses nanostructures et nanomatériaux. Elle se concentre sur le développement et l'utilisation de la spectroscopie de pertes d'énergie électrons en microscopie électronique et de ses formes dérivées pour sonder à l'échelle nanométrique les propriétés de nanostructures originales, comme les nanotubes (de carbone et hybrides), des structures pour la nanophotonique, des multicouches d'oxydes, des aimants moléculaires ou encore pour explorer de nouveaux phénomènes physiques à l'échelle nanométrique. Récemment, elle a montré que la spectroscopie de pertes d'énergie d'électrons peut être utilisée comme une alternative aux techniques photoniques pour sonder les propriétés optiques de nanostructures semi-conductrices ou plasmoniques avec une résolution spatiale sans précédent. Elle est l'auteur de plus de 150 publications, dont 100 articles originaux dans des revues régulières. Elle a occupé la chaire Francqui à l'Université de Namur en 2010-2011 et a reçu le Prix Ancel de la Société française de physique en 2012.

Odile Stéphan

Laboratoire de Physique des Solides, Bâtiment 501, Université Paris-Sud, 91405 Orsay

Avancées récentes et prospectives en (spectro)microscopie électronique en transmission

Depuis le début des années 2000, la microscopie électronique en transmission a connu des progrès marquants en terme de résolution spatiale, grâce aux développements de systèmes optiques associant des éléments multipolaires afin de corriger une partie des aberrations de la lentille objectif (correcteurs d'aberration). De nouvelles possibilités ont ainsi émergé pour la réalisation d'images à une résolution spatiale inférieure à l'Å ouvrant de nouvelles voies pour une exploration dans l'espace direct de la cristallographie des matériaux et nanostructures. Ces progrès en image se sont accompagnés d'avancées importantes en spectroscopie et plus particulièrement dans le domaine de la spectroscopie de perte d'énergie d'électrons (EELS). Ainsi l'acquisition de signaux spectroscopiques à l'échelle de la colonne atomique ou de l'atome individuel est devenue (quasiment) « routinière ». D'autre part, depuis un ou deux ans, on assiste à l'émergence d'une nouvelle génération de monochromateurs, apportant des améliorations en résolution en énergie de près de 2 ordres de grandeurs (pour atteindre des résolutions de l'ordre de 10 meV et prochainement 5 meV). Ces nouvelles performances fournissent un accès à des gammes de plus en plus basses de pertes d'énergie (en dessous de 100 meV, pour la mesure de signaux vibrationnels, phononiques ou encore plasmoniques à des résolutions spatiales nanométriques) tout en permettant la mesure de signaux de plus en plus riches en information dans des gammes spectrales équivalentes à celle des rayons X mous (excitations des niveaux de cœur des atomes). A ces progrès spectaculaires, s'ajoutent de nouvelles idées pour tendre vers une convergence des spectroscopies d'électrons et de photons au sein d'un microscope électronique en transmission (mesure des photons visibles émis par l'échantillon lors d'expériences de cathodoluminescence par exemple) et pour imaginer de nouvelles expériences spectroscopiques combinant photons et électrons afin d'associer les performances en résolution spatiale des électrons et celles en résolution spectrale des photons. C'est ainsi tout un nouveau champ, celui de la nano-optique basée sur l'utilisation de faisceaux d'électrons rapides qui s'ouvre. Les microscopes électroniques deviennent ainsi de plus en plus polyvalents, tout en offrant des performances sans cesse améliorées. Ces possibilités seront illustrées au travers de plusieurs problématiques : - Un accent sera mis sur l'exploration des structures atomiques et électroniques de divers films minces et super-réseaux d'oxydes. On s'intéressera pas exemple aux effets interfaciaux entre un film mince ferroélectrique et un métal magnétique (BaTiO3-Fe [1]) ou un isolant de Mott (BiFeO3-CaMnO3 [2]), dans ce cas l'ordre ferroélectrique peut se coupler avec la distribution de charge ou de spin de la couches voisine et conduire à un état multiferroique artificiel. Dans le cas de super-réseaux couplant manganites et nickelates, par exemple LaMnO3/LaNiO3, les phénomènes interfaciaux contrôlent le magnétisme du système [3]. La compréhension de ces effets aux interfaces nécessite l'extraction de modèles structuraux atomiques quantitatifs tenant compte précisément des déplacements atomiques d'origine polaire ou encore de la nature des plan de terminaison, une évaluation précise des effets d'écrantage de la ferroelectricité ou encore de caractéristiques électroniques (états de valence et de spin) en lien avec l'apparition d'un magnétisme interfacial. Des expériences couplant imagerie et spectroscopie à la résolution atomique seront comparées à des mesures réalisées sur synchrotron - Quelques ouvertures au domaine de la nano-optique seront décrites grâce à la comparaison d'expériences EELS et de cathodoluminescence sur des nanostructures plasmoniques, mettant en évidence une convergence des concepts et des fonctions de réponses mesurées par des techniques optiques et avec des électrons rapides [4]. L'apport de la cathodoluminescence pour l'investigation des propriétés optiques des matériaux sera également discuté à partir d'expériences réalisées sur du nitrure de bore hexagonal [5]. On s'intéressera plus particulièrement au lien intime entre la structure cristalline, les défauts et les propriétés optiques (émission). - Enfin quelques perspectives seront évoquées concernant le développement d'autres nouvelles techniques spectroscopiques, combinant photons et des électrons dans des applications en temps résolu par exemple, ou pour entrer dans le domaine de l'optique quantique.

References

[1] L. Bocher et al., Nano Lett. 376 (2012) 12 [2] M. Marinova et al., Nano Lett. 2533 (2015) 15 [3] M. Guibert et al., Nano Lett. 7355 (2015) 15 [4] A. Losquin et al., Nano Lett., 1229 (2015) 15 [5] R. Bourrelier et al., ACS Photonics 1 (2014) 857